Quatre grives s’en viennent herboriser, par petits bonds elles picorent, graines minuscules, insectes, un ver de terre par chance. Elles prennent leur temps. Depuis quand n’ai-je pas vu de grives ? Je convoque le fantôme de mon grand-père, il doit savoir. Il est là, marche nonchalant, paletot de tweed vert sombre, feutre gris à la Bogart et discrète plume de faisan passée sous la ganse, petit cigare Pantherau coin de la bouche, les mains dans les poches il me regarde, sourire bienveillant : enfant, lorsque les cerises –de gros bigarreaux Napoléon– étaient mûres, de la fenêtre à l’étage tu les tirais à la 22 long rifle, souviens-toi. Et ma grand-mère de les cuisiner le soir. Très fier, je faisais rouler sur le bord de l’assiette le plomb qui les avait abattues. Je me régalais. Il n’y a plus de cerisier. Je rêve d’un pic épeiche venu buriner de son bec dur l’écorce du prunier pour y dégotter quelque larve à son goût. Le pic épeiche, oiseau de petite taille, est somptueux : pur graphisme en noir et blanc, tache rouge au bas-ventre. Je regarde les arums s’épanouir, les hortensias boutonner, le lierre envahir. Sur la terrasse, deux souris mortes : Monsieur Chat, pour une fois, les a laissées dehors. À la verticale des petits animaux raides, à six cents pieds là-haut, caparaçonnés dans quatre tonnes d’acier et leurs blousons de cuir XXL, deux hommes sont aux commandes de l’hélicoptère jaune et rouge de la protection civile, direction le CHU tout proche, la voie royale des gens qui vont mourir.