Cet homme est mort. En 2010, à cent trois ans.
Vivre jusqu’à. Rare, non ? Peu commun.
Kazuo Ohno est né en 1906, au Japon. En 1938, il est soldat, gradé de l’armée impériale, il est fait fait prisonnier. On ne sait pas, un autre monde, on a peine à imaginer…
Dans les années soixante, Kazuo Ohno et Tatsumi Hijikata, compagnons de route, inventent le Butoh, la danse des ténèbres, danse-théâtre rebelle, oeuvre de guerre, de l’après-guerre, de la douleur de la guerre.
Puis il est La Argentina : il a soixante-dix ans, il rend un hommage éternel à la ballerine espagnole rencontrée au milieu des années vingt : longue robe noire, gants de velours et couvre-chef d’outre-tombe, le visage fardé, talc blanc sur rides profondes, il danse sa danse lente, macabre et travestie. Il a une fleur à la main.
Je l’ai photographié plusieurs fois. Avignon ou Paris, il devient légende. Il est déjà vieillard, puis vieillard très âgé. Il danse alors en duo avec son fils Yoshito : tendresse inquiète dans le regard de celui qui veille sur le père, vieux et pour toujours fasciné par sa propre vieillesse fripée, exhibée sur la scène des théâtres du monde. Une bibliothèque hantée…
Jusqu’à la mort. Cent trois ans.
Vivre jusqu’à. Rare, non ? Peu commun.
Kazuo Ohno est né en 1906, au Japon. En 1938, il est soldat, gradé de l’armée impériale, il est fait fait prisonnier. On ne sait pas, un autre monde, on a peine à imaginer…
Dans les années soixante, Kazuo Ohno et Tatsumi Hijikata, compagnons de route, inventent le Butoh, la danse des ténèbres, danse-théâtre rebelle, oeuvre de guerre, de l’après-guerre, de la douleur de la guerre.
Puis il est La Argentina : il a soixante-dix ans, il rend un hommage éternel à la ballerine espagnole rencontrée au milieu des années vingt : longue robe noire, gants de velours et couvre-chef d’outre-tombe, le visage fardé, talc blanc sur rides profondes, il danse sa danse lente, macabre et travestie. Il a une fleur à la main.
Je l’ai photographié plusieurs fois. Avignon ou Paris, il devient légende. Il est déjà vieillard, puis vieillard très âgé. Il danse alors en duo avec son fils Yoshito : tendresse inquiète dans le regard de celui qui veille sur le père, vieux et pour toujours fasciné par sa propre vieillesse fripée, exhibée sur la scène des théâtres du monde. Une bibliothèque hantée…
Jusqu’à la mort. Cent trois ans.
© Tristan Jeanne-Valès - Kazuo Ohno, Avignon. 1982