La chaleur raide du soleil dur de l’équateur ou le froid humide des pluies, les déplacements sur le fleuve en lanchas, longues pirogues à gros moteur, pour rejoindre les différents lieux de tournage, les grands arbres et la forêt épaisse, les milliards de fourmis –aucune feuille n’est épargnée– la pourriture du végétal omniprésente et la beauté brute des taches de lumière sur tout ce vert qui grimpe. Ces tonnes de bois flotté, échoué, enchevêtré sur les bords du fleuve et jusqu’au milieu du fleuve, les ciels lourds des fins d’après-midi et la lune à l’envers. Les singes hurleurs au petit matin, invisibles et tout proches.
On s’y fait, on les attend même.
Il était une forêt, un film de Luc Jacquet, Amazonie péruvienne, juillet 2012.
On s’y fait, on les attend même.
Il était une forêt, un film de Luc Jacquet, Amazonie péruvienne, juillet 2012.
Le film se fabrique ici, pas à pas, au bord de nulle part. C’est une débauche de matériel importé, très sophistiqué, qu’il faut parfois adapter-bricoler au beau milieu de la jungle. Treuil, filin, tension, gyroscope, la caméra prend son envol et plane vers les sommets du tronc énorme d’un kapokier, l’équipe bosse et transpire, trente-cinq personnes bottées caoutchouc épais (les serpents…) qui transpirent comme jamais elles n’ont transpiré. Les Indiens recrutés guident, portent, dorment, nous regardent et rigolent à nous regarder. Eux vont pieds nus dans la forêt, ils s’appellent Wilson, José, Alberto ou Napoleon, quelques uns d’entre nous finiront par connaître leurs noms véritables, leurs noms indiens, beaucoup plus difficiles à prononcer.
La nuit tombe à six heures, d’un coup. Les cuistots péruviens sont en toque blanche et le rhum Cartavio siroté avec quelques autres me fait oublier les piqûres des sandflies, petites mouches voraces, sur des mains jaunies à la Bétadine. Fin de journée, les machinos plus vrais que des machinos rangent le matériel, leurs ‘’jouets’’ comme ils disent, dans la casa verde, la grande maison verte toute de guingois, qui est atelier, entrepôt et lieu de travail, ordinateurs sur planches et rondins. Une tarentule indolente nous y rend parfois visite, à heure fixe, en tenue de soirée.
Sur le tableau de service : ‘’Nous dépendons tous de la météo’’. En trois langues. Ce soir il va pleuvoir. D’abord une pluie fine, comme une caresse de l’orage, au loin un ciel inquiet, la tombée du jour, le chien-loup. La pluie vient, on l’entend, je la désire, je l’appelle. De grosses gouttes épaisses puis le déluge.
Les géants vont boire, boire jusqu’à plus soif. À l’aube, le fleuve, les rives seront gorgés de brume.
Je photographie tout. Peu de lumière en bas, trop de lumière en haut…
Les temps morts aussi,
l’attente pour quelques images,
des éblouissements,
un arbre qui porte feuilles, fleurs et fruits tout à la fois.
Et puis Francis Hallé, botaniste vénérable et vrai poète. Passionné donc passionnant.
La nuit tombe à six heures, d’un coup. Les cuistots péruviens sont en toque blanche et le rhum Cartavio siroté avec quelques autres me fait oublier les piqûres des sandflies, petites mouches voraces, sur des mains jaunies à la Bétadine. Fin de journée, les machinos plus vrais que des machinos rangent le matériel, leurs ‘’jouets’’ comme ils disent, dans la casa verde, la grande maison verte toute de guingois, qui est atelier, entrepôt et lieu de travail, ordinateurs sur planches et rondins. Une tarentule indolente nous y rend parfois visite, à heure fixe, en tenue de soirée.
Sur le tableau de service : ‘’Nous dépendons tous de la météo’’. En trois langues. Ce soir il va pleuvoir. D’abord une pluie fine, comme une caresse de l’orage, au loin un ciel inquiet, la tombée du jour, le chien-loup. La pluie vient, on l’entend, je la désire, je l’appelle. De grosses gouttes épaisses puis le déluge.
Les géants vont boire, boire jusqu’à plus soif. À l’aube, le fleuve, les rives seront gorgés de brume.
Je photographie tout. Peu de lumière en bas, trop de lumière en haut…
Les temps morts aussi,
l’attente pour quelques images,
des éblouissements,
un arbre qui porte feuilles, fleurs et fruits tout à la fois.
Et puis Francis Hallé, botaniste vénérable et vrai poète. Passionné donc passionnant.
Au cours de ces six semaines amazoniennes, il nous contera, entre autres improbables, que le figuier étrangleur pousse à l’envers. D’abord graine posée là, au faîte des grands arbres, chiée par l’oiseau de passage, il germe puis lance ses tentacules vers le bas, vers la terre, pour y ancrer des racines bientôt gigantesques, qui viendront nourrir les branches de là-haut. Il assoit son emprise. Il enserre le tronc de l’hôte involontaire puis l’étouffe et le tue.
Le figuier étrangleur est creux, une cathédrale de lianes et de bois dur bâtie sur l’effondrement de l’autre. Deux cents, trois cents ans…
Le figuier étrangleur est creux, une cathédrale de lianes et de bois dur bâtie sur l’effondrement de l’autre. Deux cents, trois cents ans…