Brent Spar, plate-forme pétrolière, était lieu de stockage, une cathédrale d’acier et de fuel lourd, un clou puant, clou de géant dans les seins de la mer du Nord. Bérangère D. a pris le nom Brent Spar, en a fait son nom de scène, de chanteuse, son nom de musique. La voix de brume, brèche et refuge, est lente, grave, un voile sombre sur mélodies d’ombres. En guitares acoustiques, piano et bribes d’ordinateur, elle est seule ; costume noir et Chelsea boots, cheveux coupés courts, l’élégance homosexuelle du costume d’homme sur corps de femme. Un album gravé en 2013, rien d’autre… Effrayée, atterrée par le brutal des marchands de musique, elle titube, tutoie l’ange de l’alcool et disparaît. Puis devient sous-marine : en mer bretonne, elle plonge de la cale de Portz-ar-Mor, en mer bas-normande elle plonge sur les restes des pontons d’Arromanches, ruines d’une guerre lointaine, accrochée à nos paysages. Elle plonge, elle ne chasse pas, ne tue pas, elle regarde l’eau et se désespère de la dévastation, du ravage. Les coraux australiens ne sont pas seuls à l’agonie ; l’orphie, le bouquet, le homard le seront demain. Elle enrage… Chante encore, parfois, peut-être ; trois ballades tristes l’année passée… elle préfère les brouillards sous la houle et les lumières de ses marées. Brent Spar enregistrera de nouveau. Attendons.